Comment rendre plus attractifs les métiers de production ? C’est le premier défi à relever pour recruter les compétences indispensables, les fidéliser dans nos territoires, mais aussi pour créer des vocations d’entrepreneurs que ce soit au niveau artisanal ou à travers des PMI. « Nous avons un gros déficit à combler quand on compare avec nos voisins. Au Pays Basque Sud, près de 40% de la population active travaille dans le production. L’industrie est une normalité, à la fois valorisée et valorisante. Il y a une fierté territoriale de pouvoir travailler dans des entreprises dont certaines sont des championnes internationales dans leur catégorie » remarque Peio Etxeleku.
« C’est une différence majeure avec un territoire comme le nôtre, avec seulement 11% à 12% de la population active dans l’industrie. Non seulement, cette culture se perd, mais les jeunes se dirigent davantage vers les services ou vers des emplois publics sécurisés. Il y a beaucoup de travail à différents niveaux pour inverser la tendance ».
Il est clair que la première difficulté pour les entreprises de production est de recruter. Elles font face à un problème sociologique, de relation au travail, notamment manuel, en usine, sous contrainte… « C’est encore plus compliqué dans des activités comme les nôtres où il y a du lait 7 jours sur 7. Il faut travailler le samedi et le dimanche » souligne le fondateur d’Agour.
Le mal est profond mais certainement pas irréversible, tellement les métiers ont évolué et offrent une grande diversité de parcours. Il y a encore une connotation négative, un apriori d’une dureté supposée, d’une exigence plus importante. « Beaucoup de postes de travail sont aidés, accompagnés pour les tâches à faible valeur ajoutée, répétitives, ou qui pourraient engendrer des conséquences négatives sur la santé. Elles ont évolué considérablement avec la robotique. Les postes de production sont de plus en plus des métiers où les femmes et les hommes apportent une valeur ajoutée par leur spécialité, leur savoir-faire… » insiste Peio Etcheleku.
Généralement, les emplois dans des entreprises de production sont très diversifiés et enrichissants. Ces sociétés peuvent souvent proposer des parcours assez complets, permettant aux personnes d’apprendre, de s’épanouir, d’évoluer…
« Il est important de favoriser l’apprentissage, pour intégrer des jeunes dans nos systèmes de production le plus tôt possible, pour contribuer à les former et à les accompagner dans la durée. Pour moi les emplois productifs doivent être intimement liés à l’innovation, la recherche et donc à la formation » ajoute le dirigeant.
Montrer à quel point nous pouvons répondre aux préoccupations profondes de notre jeunesse
« L’avenir passe certainement par le déploiement d’unités de formation, notamment dans l’enseignement supérieur. Pour des niveaux d’ingénieurs, mais aussi d’encadrements intermédiaires. Pour ceux qui font véritablement les usines, les chefs de ligne… ceux qui sont au croisement de l’organisation globale, de la réflexion stratégique, mais surtout de sa mise en œuvre concrète au quotidien ».
« Une interconnexion doit être construite en proximité, notamment sur des polarités du Pays Basque intérieur du type Cambo, Saint Palais, Mauléon, Saint-Jean Pied de Port… Il serait pertinent de favoriser des écosystèmes plus orientés vers les emplois de production, et ainsi offrir dès le plus jeune âge, aux collégiens par exemple, des perspectives d’emplois à valeur ajoutée, durables, sur le territoire dont ils sont issus ».
L’enjeu est de permettre aux enfants de Saint-Jean-le-Vieux, d’Hélette ou de Saint Palais d’avoir davantage d’opportunités de parcours ici, allant de la formation jusqu’à des emplois variés, comprenant aussi des parenthèses sur d’autres territoires et à l’étranger afin d’acquérir les compétences indispensables.
« Le développement d’écosystèmes connectés qui aident les entreprises à faire évoluer leur process, leurs produits, et à assurer des temps de formation en continu tout au long de la carrière, peut favoriser une meilleure orientation des entreprises de production ».
« C’est à nous aussi, entrepreneurs, à faire davantage d’efforts pour nous ouvrir vers l’extérieur, afin d’expliquer ce que nous sommes, quels sont nos enjeux et nos objectifs, quelles sont nos façons de travailler… Il nous faut aussi montrer à quel point nous pouvons répondre aux préoccupations profondes de notre jeunesse. À nous d’expliquer comment la réindustrialisation de nos territoires va contribuer à la résilience, à assurer une meilleure habitabilité de la planète. Il faut nous ouvrir à toutes les catégories de la population, en commençant dès le primaire, pour pouvoir donner le goût et la fierté de la production et de l’industrie en territoire, notamment en territoire rural. Là, on est encore largement perfectible » reconnaît Peio Etxeleku.
Bien entendu, le développement et la pérennisation des emplois de production, indispensables pour l’avenir de nos territoires ont besoin du soutien des pouvoirs publics, comme une priorité. « Il peut y avoir plusieurs pistes. En commençant par des accompagnements financiers adaptés, notamment au niveau des systèmes de charges sociales qui pourraient être un peu différenciés afin de pouvoir améliorer le salaire versé aux salariés qui s’engageraient dans ces démarches de production » précise le dirigeant.
Il faut savoir que pour attirer les talents, les entreprises vont au-delà de la simple relation salariale classique. Face à la pénurie de logements, une société comme Agour propose des solutions à des prix allant de 25 à 40% en-dessous du marché. « Nous essayons aussi d’aider dans la recherche d’emploi pour le conjoint afin de faciliter l’installation ».
L’impact local d’Agour en Basse Navarre est très significatif. « Nous avons 130 collaborateurs, auxquels il faut rajouter 170 familles de bergers et d’éleveurs. Nous générons donc 300 emplois directs et 3 à 4 fois plus d’emplois induits. La fromagerie d’Irati à Mendive, qui a vu le jour il y a une quinzaine d’années, est probablement le projet de production le plus important de cette vallée depuis les années 1950. Il y avait alors des petites industries autour du bois, mais elles ont disparu. Nous employons aujourd’hui une quinzaine de personnes » conclut Peio Etcheleku pour illustrer à quel point la production maintien la vie, ici.
Informations sur le site internet d’Agour
Lire notre article : Peio Etxeleku, entrepreneur inspirant, nourri à la puissante sève du Pays Basque intérieur
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