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1500 COUPS DE POUCELa sirène des Landes met le poisson en boîte

Installée à Saint-Laurent-de-Gosse, Lucie Lesgourgues a lancé Pirate Cannerie, une conserverie artisanale et engagée.
Lucie Lesgourgues, fondatrice des conserves de la mer Pirate Cannerie
Pirate Cannerie DR
Sa mission ? Sublimer le poisson local, réduire le gaspillage et prolonger la vie des produits de la mer.
Avec ses 17 recettes, Pirate Cannerie raconte une cuisine de bord de mer, de terroir et de conviction
Pirate Cannerie DR

Il y a des lieux qui sommeillent, et des femmes qui savent les réveiller. C’est à Saint-Laurent-de-Gosse, village tranquille du Sud des Landes, que Lucie Lesgourgues a jeté l’ancre de Pirate Cannerie. Là, entre les champs et les barthes, dans les murs d’une ancienne conserverie de canards gras, s’active désormais une autre forme de production : celle de la mer mise en boîte. L’autoclave de 1991, fier comme un galion, a repris du service. Lucie explique que son prédécesseur avait déjà mis les installations aux normes sanitaires et qu’elle n’a eu que quelques ajustements à faire. L’ancienne cuisine de Gérard Berraute, éleveur à la retraite et rugbyman de mêlée, connaît ainsi une seconde mi-temps, cette fois consacrée aux poissons plutôt qu’aux palmipèdes.

Du rejet au projet

Avant de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale, Lucie a pris la mesure des aberrations de l’industrie agroalimentaire dans un autre port… celui de Rungis. Là, au contact d’un mareyeur, elle a pris conscience de la face cachée des criées : des tonnes d’invendus, des poissons rejetés, un gaspillage généralisé. Elle raconte qu’un jour, on lui a annoncé qu’il fallait jeter pour 45 000 euros de pêche, ce qui l’a poussée à poser sa démission le soir même. De cette claque économique est née Pirate Cannerie. Une envie de cuisiner mieux, de conserver plus, de valoriser autrement ce que la mer offre.

Lancée début 2022 avec ses économies et un prêt bancaire, l’entreprise prend vite le large. Sa ligne de conduite ? Une production artisanale, des recettes originales, une éthique de proximité. Lucie transforme elle-même les poissons qu’elle achète à la criée de Saint-Jean-de-Luz, à l’exception des poulpes bretons et des truites, qu’elle va chercher à Baigorry. Chaque boîte est l’aboutissement d’un parcours respectueux, du filet à la fourchette.

Lucie a remporté le prix "Madame Engagée"
Pirate Cannerie DR

Avec ses 17 recettes, Pirate Cannerie n’a rien d’un radeau précaire. Les classiques rillettes côtoient des propositions plus audacieuses comme le poulpe chimichurri ou le thon teriyaki. Mais toutes racontent une même histoire : celle d’une cuisine de bord de mer, de terroir et de conviction.

L'abordage d'une nouvelle mer

Lucie Lesgourgues n’est pas une conserveuse comme les autres. Formée à l’école Ferrandi, aguerrie dans des établissements étoilés comme Le Cinq ou Taillevent, elle ne transige ni sur les saveurs, ni sur les ingrédients. Chaque conserve est cuisinée avec des aromates naturels, sans additif ni conservateur, selon un savoir-faire qui mêle rigueur gastronomique et intuition artisanale. Elle résume sa philosophie en expliquant que la magie de la conserve réside dans la possibilité de donner quatre ans de vie supplémentaire à un poisson.

Parmi ses recettes phares, le "tuna ganoush" illustre parfaitement sa philosophie. En détournant la célèbre crème levantine d’aubergine, elle y incorpore les parties les moins nobles du thon – joues, collier, miettes entre les arêtes – pour créer une préparation savoureuse et anti-gaspi. Zaatar, ail, citron confit et huile d’olive composent la base de ce plat aussi audacieux que durable. Une manière de rappeler que le respect de la ressource passe aussi par l’ingéniosité culinaire.

Pirate Cannerie DR

Si Pirate Cannerie a atteint la barre symbolique des 100 000 boîtes produites, ce n’est pas en écumant les marchés. Lucie a rapidement mis les voiles vers le numérique. E-shop, Instagram, bouche-à-oreille digital : la conserverie artisanale s’est taillée un sillage dans le commerce en ligne. Résultat ? Un chiffre d’affaires supérieur à ce que les ventes directes auraient permis, et une présence dans plus de 300 épiceries, en France comme en Europe.

Une reconnaissance qui donne le cap

En mars 2025, cette route bien tenue a été couronnée par le Trophée « Madame Engagée », décerné par la Chambre de métiers et de l’artisanat de Nouvelle-Aquitaine dans le cadre des Trophées Madame Artisanat. La Chambre de métiers et de l’artisanat des Landes a salué sa victoire en ces termes : « Félicitations à Lucie Lesgourgues, fondatrice de Pirate Cannerie, qui remporte le prix "Madame Engagée" ! Basée dans les Landes, elle valorise la pêche locale et lutte contre le gaspillage alimentaire grâce à une conserverie artisanale durable. » Une reconnaissance qui, au-delà de l’émotion, apporte un peu de carburant supplémentaire pour continuer à avancer. Lucie affirme que ce prix est un encouragement à rester fidèle à ses principes et à continuer de faire différemment.

Chez Pirate Cannerie, on ne parle pas seulement de circuit court, on le vit. L’atelier est un microcosme où la mer rencontre la terre, où chaque produit a une histoire. La main-d’œuvre aussi est locale. Thomas Escudero, le seul salarié embarqué à bord, n’aime pas le poisson, mais adore travailler à ses côtés. Pour l’emballage et la logistique, Lucie fait appel à un ESAT, intégrant ainsi une dimension sociale à son modèle.


Derrière les boîtes colorées qui font sourire les rayons des épiceries, il y a une conscience. Celle de la préservation de la ressource halieutique, du respect des pêcheurs artisans, de la dignité des produits. Lucie Lesgourgues ne se contente pas de cuisiner des recettes : elle cuisine un avenir plus sobre, plus juste, plus bon. Et comme tous les vrais pirates, elle ne cherche pas des trésors cachés. Elle les met en conserve.

COUP DE POUCE

Derrière chaque boîte estampillée Pirate Cannerie se cache un manifeste culinaire, une entreprise engagée et une femme, Lucie Lesgourgues, qui a décidé de faire les choses autrement.

Pirate Cannerie, c’est aussi une prouesse économique et humaine : la conserverie s’est hissée à plus de 100 000 boîtes produites, écoulées dans plus de 300 points de vente et grâce à une stratégie digitale affûtée. Le tout sans rogner sur l’éthique, bien au contraire : production locale, approvisionnement responsable, partenariat avec un ESAT pour l’emballage, emploi inclusif… et même un salarié qui n’aime pas le poisson mais aime son métier !

Pour son engagement environnemental et local, Lucie mérite vraiment des coups de pouce de notre part. Comment ? N'hésitez pas à partager cet article autour de vous ainsi que sur les réseaux sociaux, afin que les couleurs de Pirate Cannerie embarquent tout le monde dans la démarche. Car soutenir Lucie, c’est contribuer à un avenir où la mer se respecte autant qu’elle se déguste.


Sébastien Soumagnas

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