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Ti’Pi, l’art de transformer un besoin naturel en geste écologique

Nous utilisons chaque jour des litres d’eau potable pour chasser quelques centilitres d’urine. Une aberration écologique à laquelle Ti’Pi a décidé de mettre fin, sur la côte basque.
Les urinoirs sans eau, nouveau modèle mural à l'honneur avec des installations sur les plages d'Anglet et Guéthary
Ti'Pi DR
Une aventure née à Biarritz, portée par l’envie d’allier écologie, confort et solidarité, avec une conviction simple, uriner peut être un acte responsable.
A droite, Jérôme Clausse-Arangoïtz et les deux nouvelles recrues, Bastien et Nicolas
Ti'Pi DR

Et si ce que nous jetons sans y penser était en réalité une richesse ? Depuis des siècles, les agriculteurs savent que l’urine est un engrais naturel redoutablement efficace. Bourrée d’azote, de potassium et de phosphore, elle nourrit les sols comme peu de fertilisants savent le faire. Pourtant, dans nos sociétés modernes, ce précieux liquide prend systématiquement le chemin des égouts, dilué sous des torrents d’eau potable. Une aberration environnementale quand on sait l'infime quantité d’eau traitée que nous buvons chaque jour, le reste servant à des usages aussi absurdes que… rincer un petit pipi.

« Nous ne buvons que 1 % de l’eau potable que nous utilisons », rappelle souvent l’équipe de Ti’Pi. Le reste part dans les canalisations, saturant les stations d’épuration, débordées en été ou lors de fortes pluies, au point parfois de rejeter dans l’océan une eau mal traitée. Une catastrophe pour les baigneurs, les écosystèmes marins et notre santé collective.

C’est dans ce contexte qu’est née l’idée un peu folle mais terriblement logique de Ti’Pi, à savoir concevoir des urinoirs sans eau. Un geste écologique aussi simple qu’efficace : supprimer la chasse d’eau, préserver une ressource rare, et redonner à l’urine la place qu’elle mérite dans le cycle naturel.

Des halles de Biarritz aux premières vespasiennes écologiques

Tout a commencé dans les rues animées de Biarritz, du côté des Halles. Daniel Bancon, fondateur de Vesbateco, avait pris l’habitude de découvrir, chaque matin, l’odeur âcre laissée par les fêtards de la veille sur le pas de sa porte. Excédé, mais aussi soucieux d’apporter une réponse plus globale au problème du manque d’infrastructures, il s’est dit : pourquoi ne pas réinventer les vespasiennes et les transformer en équipements modernes, écologiques et accessibles ?

L'économie d'eau lors des Fêtes de Bayonne 2019
Ti'Pi DR

Derrière cette idée se cache une double motivation. La première était de redonner un peu de dignité à l’espace public et de soulager les riverains des quartiers festifs. La seconde, plus personnelle : en avançant en âge, Daniel constatait que pour les hommes, en dehors des bars, il devenait difficile de se soulager lors d’une promenade. Un problème banal, mais qui méritait une réponse intelligente.

En 2016, le projet prend forme avec les premiers prototypes de vespasiennes en forme d’escargot, conçues avec des architectes et designers. L’année suivante, Jérôme Clausse-Arangoïtz rejoint l’aventure, et ensemble ils posent les bases d’une entreprise locale, engagée et inventive.

Ti’Pi, une goutte d’eau dans l’incendie

De cette intuition est née Ti’Pi, la filiale de Vesbateco dédiée aux urinoirs sans eau. Son nom sonne comme un clin d’œil, à la fois petit abri, symbole de convivialité, puis la contraction de « pipi ». Mais derrière la malice se cache une vraie vision.

« Ce qui m’anime, confie Jérôme Clausse-Arangoïtz, gérant de Ti’Pi, c’est de vouloir faire avancer les choses dans le bon sens grâce à une activité professionnelle qui ne soit pas que lucrative. Une activité qui permette le progrès, qui remue les consciences endormies et qui permette, humblement, d’ajouter une pierre à l’édifice de la sauvegarde et de la protection de notre magnifique planète. J’aime beaucoup l’idée d’être un colibri de plus qui dépose une goutte d’eau dans un incendie. »

Le nouvel urinoir mural avec son système anti odeur et son pack entretien
Ti'Pi DR

Pour lui, le pipi n’est pas un sujet trivial, c’est un levier de changement. En supprimant l’usage de l’eau potable lors des mictions, en développant des mobiliers adaptés aux crises climatiques, en donnant même « la possibilité de jouer avec le flux de sa miction », Ti’Pi prouve que l’on peut concilier humour, design et conscience écologique.

L’innovation au service du quotidien

Concrètement, comment ça marche ? L’innovation repose sur une petite pièce maîtresse : une valve surnommée « parachute » ou « bec de canard ». Elle laisse s’écouler l’urine, bloque les remontées d’odeurs, et tout cela sans eau, sans produit chimique, sans gadget superflu.

Les urinoirs sont conçus dans des matériaux recyclés, résistants aux UV, aux chocs, faciles à nettoyer, et s’intègrent aussi bien dans un parc, une école ou un festival. Associés à des mobiliers urbains pratiques, ils deviennent des solutions modulables, fixes ou mobiles, selon les besoins. Une simplicité technique au service d’un grand enjeu écologique.

Ti’Pi s’adresse à tous ! Aux collectivités qui veulent équiper leurs espaces publics, aux écoles désireuses de sensibiliser les jeunes, aux organisateurs d’événements éphémères qui cherchent des solutions rapides et robustes, aux entreprises qui veulent aligner leurs sanitaires avec leurs engagements RSE, et même aux particuliers qui souhaitent installer un urinoir écoresponsable dans leur jardin.

Les produits de Ti'Pi peuvent convenir à tous types d'endroits
Ti'Pi DR

Chaque usage est pensé pour être pratique, esthétique et durable. Avec, toujours en ligne de mire, la possibilité de valoriser l’urine collectée comme engrais naturel pour les cultures.

Anglet, un exemple qui fait école

Cet été, la ville d’Anglet a franchi le pas en installant cinq urinoirs muraux Ti’Pi sur ses plages les plus fréquentées : trois à Marinela, deux à la Chambre d’Amour. Une première sur la côte basque.

Ces équipements, fixés simplement à une paroi, raccordés à un bidon ou à une évacuation, résistent aux usages intensifs et aux intempéries. Des séparateurs sur-mesure ont été ajoutés pour plus de confort et d’intimité.

L’exemple angloy montre que l’innovation peut s’intégrer harmonieusement dans le paysage urbain, améliorer la propreté publique et préserver une ressource précieuse. « Merci à la ville d’Anglet pour sa confiance et sa volonté d’agir concrètement pour la planète, un urinoir (sans eau) à la fois !», rapportent les équipes.

Un héritage et un avenir à inventer

L’histoire de Ti’Pi est aussi celle de son fondateur, Daniel Bancon, disparu en 2024. Son décès a marqué un tournant, mais l’équipe n’a pas renoncé. En 2025, une nouvelle génération a pris le relais, avec des spécialistes du digital et de la chimie, bien décidés à amplifier la visibilité de la marque et à perfectionner les produits.

L’aventure continue donc, fidèle à l’esprit pionnier de Daniel, mais avec de nouveaux outils et une ambition renforcée, à savoir contribuer à une planète plus verte en transformant un geste banal en acte écologique.

La révolution écologique ne passera pas seulement par les grands discours. Elle se niche aussi dans nos gestes les plus quotidiens. Ti’Pi en est la preuve. Un simple urinoir sans eau permet d’économiser des milliers de litres d’eau potable, de réduire la pollution des océans et de fertiliser les sols.

Et comme le dit Jérôme : « Tout cela, en donnant de la couleur dans ces espaces, des sons et des matières différentes… et en pensant du mobilier pour les situations de crises climatiques ou humaines. »

Sébastien Soumagnas

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