À Anglet, dans les 1 300 m² d’ateliers de Zanzibar Production, chaque maillot, chaque lycra, chaque drapeau sort du même fil conducteur : produire localement, avec sens et exigence. Depuis vingt-cinq ans, la société fondée par Antoine Maury s’est imposée comme une référence de l’impression textile française. Sérigraphie, sublimation, confection : une palette complète au service de marques, d’événements et d’entreprises qui choisissent le “fait ici” plutôt que le “venu d’ailleurs”.
“Mettre en lumière celles et ceux qui produisent ici, c’est rappeler que c’est encore possible”, confie Antoine Maury. Car pour lui, la production locale n’a rien de nostalgique : elle est un engagement quotidien. “On oublie trop souvent que la production locale, ce n’est pas un concept, c’est un effort permanent”, glisse-t-il.
Produire ici, quoi qu’il en coûte
Créée le 1er avril 2000 comme une simple agence de graphisme textile, Zanzibar Production a peu à peu cousu sa mue industrielle. “Un peu de folie, sans doute !”, plaisante Antoine Maury. Plus sérieusement, ce virage s’est imposé par réalisme. “Le marché mondial est dominé par les productions asiatiques. Il fallait donc trouver une autre voie : proposer des solutions industrielles locales, sans stock, capables d’être rentables. Pour cela, il a fallu s’équiper et repenser tout le modèle autour du flux tendu.”
Aujourd’hui, l’entreprise produit à la demande, en s’appuyant sur un équilibre fin entre producteur, vendeur et client final. Un modèle exigeant, qui repose sur des développements informatiques conséquents. “On n’est pas une multinationale, rappelle-t-il. On reste une PME à ambition nationale, mais à production locale. Là où certains font du développement local avec une production délocalisée, nous faisons l’inverse.”
Antoine Maury ne revendique pas pour autant le 100% made in France ! En effet, il faut tout de même s'adapter au budget du client. Il explique que parfois il « vaut mieux faire un transformé en France avec un partage des valeurs, des ressources et des compétences. Notre mission, notre volonté, notre idéologie, c'est d'augmenter cette partie le plus possible et c'est ce qu'on propose aux clients avec un atelier de confection complètement intégré. »
Zanzibar a choisi de rester ancrée à Anglet, malgré la pression foncière et la complexité industrielle. “Après quarante ans de métier, on sait ce qu’on veut. C’est un mélange de volonté, de passion pour le process industriel, et sans doute un brin d’inconscience.” Le dirigeant revendique cet attachement presque viscéral au territoire. “Ce serait plus simple d’avoir juste un bureau et de tout sous-traiter ailleurs. Mais produire ici, dans le BAB, c’est un choix fort. Les contraintes sont lourdes, les loyers élevés, mais c’est un engagement qu’on assume. On veut continuer à fabriquer sur place, avec du sens.”
Le “sens”, c’est aussi celui de la valeur ajoutée. “Acheter français, ce n’est pas payer 50 % plus cher pour un produit équivalent. Il faut que le produit ait une vraie valeur : une qualité, une personnalisation, une innovation.” Zanzibar se positionne sur ce fil tendu entre artisanat et industrie, capable de produire à la pièce comme à la série. “Aujourd’hui, si quelqu’un veut vingt lycras 100 % personnalisés, il ne peut pas le faire en Chine. Nous, si. Et si un client veut mille lycras, on sait aussi répondre. L’outil industriel doit permettre les deux.”
Du local à l’international : la vague olympique
En 2024, Zanzibar Production a fabriqué les lycras officiels des épreuves de surf des Jeux olympiques de Paris. Un millier de pièces de quatre couleurs différentes pour les surfeurs, surfeuses et water patrols. “C’était une belle fierté, surtout pour l’équipe. On n’est pas une multinationale, mais une PME du coin, et pourtant, on a su séduire un acteur mondial comme le CIO.”
Ce partenariat n’était pas un coup de chance : Zanzibar collabore depuis près de huit ans avec les équipes olympiques sur leurs gammes lycra et lifestyle. “Voir nos produits sur les épreuves de surf au Pays basque, c’était symboliquement fort. Cela prouve que la compétence locale peut atteindre le niveau international.” Une réussite cousue main, symbole d’un savoir-faire basque désormais reconnu au-delà des frontières.
Dans ce secteur où la vitesse et le volume dictent souvent la loi, Antoine Maury préfère le rythme du progrès patient. “En un mot : investir. Il faut oser, tester, se tromper. C’est comme ça qu’on avance.” L’entreprise multiplie les prototypes, parfois audacieux. “L’an dernier, on a produit une voile de bateau entièrement imprimée : un vrai défi technique. Est-ce un marché d’avenir ? Peut-être. Mais même si ce n’est pas le cas, cette expérience nous a fait évoluer. L’innovation, c’est ça : apprendre en marchant.”
Zanzibar, c’est une PME qui tisse chaque jour ses compétences, qui ajuste sa trame. “L’industrie textile, c’est comme un métier à tisser : si un fil casse, c’est tout l’équilibre qui vacille. À nous de réparer, de renforcer, de continuer.”
Recycler, réparer, réinventer
L’entreprise revendique une approche éco-responsable bien avant que le terme ne devienne tendance. “L’industrie sait faire du circulaire depuis longtemps. Nous, on essaie d’aller plus loin.” En collaboration avec la Water Family, Suez ou encore le Département des Pyrénées-Atlantiques, Zanzibar propose à ses clients de penser le recyclage dès la conception des produits.
“Souvent, on nous appelle trop tard, une fois le produit fini, pour le recycler. À ce stade, ce n’est plus rentable. On préfère donc réduire nos marges à la production pour garantir une vraie circularité.” De là est né le service ‘Repair - Recycle’, symbole d’une logique de durabilité cousue au quotidien. “Si c’est réparable, on le répare. Sinon, on lui donne une autre vie.”
Zanzibar Production avance aussi grâce à un tissu institutionnel attentif. “Nous sommes accompagnés par la Communauté de communes, que je tiens à remercier. Le projet d’un atelier ‘2.0’ est déjà bien avancé. L’industrie a besoin de visibilité sur dix ou vingt ans, de foncier adapté. Or ici, c’est rare et cher, comme pour le logement.”
Pour Antoine Maury, la production locale, c’est aussi une question de qualité de vie : “On veut que les gens du coin puissent travailler ici, sans faire trois heures de route par jour. C’est aussi pour ça qu’on défend la production locale.”
À ses yeux, les PME sont les cœurs battants du territoire. “Une PME de vingt salariés, c’est un cœur économique : elle fait travailler des sous-traitants, des artisans, des fournisseurs. Ce tissu-là, c’est le vrai moteur de l’emploi local.”
Et d’ajouter : “Si on veut que le Pays basque reste vivant, il faut des industries qui produisent, pas seulement des services ou des cafés où on télétravaille. Sinon, ça ne tiendra pas.”
L’appel aux jeunes générations
Lorsqu’on lui demande quel message il souhaite adresser aux jeunes entrepreneurs, la réponse d’Antoine Maury ne se fait pas attendre. “Foncez ! L’entrepreneuriat, c’est plein de galères, mais c’est une aventure incroyable. On apprend, on partage, on construit.”
Il compare souvent son métier à un jeu : “On dit que les chefs d’entreprise jouent au Monopoly, sauf que les règles changent sans arrêt. À nous de nous adapter.” Il insiste surtout sur la solidarité entrepreneuriale : “Il existe des réseaux comme Entreprendre Adour qui accompagnent les jeunes porteurs de projets. C’est une vraie communauté, une énergie collective. Et c’est ça, le plus précieux.”
Chez Zanzibar Production, chaque tee-shirt, chaque lycra, chaque drapeau raconte la même histoire : celle d’un territoire qui produit encore, avec ses forces et ses fragilités. Antoine Maury en est convaincu : “Produire ici, c’est un choix de sens, pas de facilité.”
Sébastien Soumagnas
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Un défi majeur à relever ensemble…
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