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RENCONTRE AVEC...Carolle Foissaud, une énergie tournée vers le renouvelable

La nouvelle présidente et directrice générale a confirmé les bons résultats de Teréga en 2024 et présenté l’avancée de projets très ambitieux autour des énergies du futur.
Carolle Foissaud, la nouvelle PDG du Groupe Teréga.Teréga
Fort de plus de 80 ans d'expertise dans le Grand Sud-Ouest, le groupe basé à Pau est un acteur historique et stratégique du transport et du stockage de gaz. Il est engagé, depuis plusieurs années, dans le développement de solutions innovantes pour relever les défis énergétiques en France et en Europe.

L'entreprise gère plus de 5.000 km de canalisations, représentant 15,8% du réseau de transport de gaz français, et deux stockages souterrains, soit 27% des capacités nationales… Elle joue ainsi un rôle fondamental dans les infrastructures énergétiques du pays.

Teréga, pilier historique du secteur, exploite désormais son expertise approfondie pour devenir un catalyseur des vecteurs d'énergie propre émergents. Cette orientation n'est pas une simple évolution, mais une redéfinition fondamentale de son cœur de métier.

Carolle Foissaud a pris la tête du Groupe Teréga le 28 mai dernier, succédant à Dominique Mockly, en poste depuis 2016, en tant que présidente de Teréga SAS, présidente et directrice générale de Teréga SA et présidente de Teréga Solutions SAS.

Nommée en février 2024 au poste d'adjointe au directeur général en charge de la coordination exécutive du Groupe, elle possède une solide expérience industrielle, une connaissance approfondie des enjeux énergétiques et une vision ambitieuse de la transformation.

Rencontre avec Carolle Foissaud…

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?

Carolle Foissaud - Je suis tombée dans le secteur de l’énergie quand j’étais petite (rires). L’énergie est un secteur passionnant, où il se passe toujours beaucoup de choses. J’ai fait une grande partie de ma carrière au sein du Groupe Areva, principalement dans des fonctions opérationnelles au sein des branches Combustibles et Réacteurs, et dans des fonctions de dirigeante en commençant par un premier rôle de présidente directrice générale (PDG) de STMI et de ses filiales dans le domaine de l’assainissement et du démantèlement. Avant d’intégrer Teréga, j’ai ensuite été successivement membre de l’executive management board du Groupe Areva, PDG de TechnicAtome, dans le domaine des réacteurs de propulsion navale et des réacteurs de recherche, directrice générale du Pôle Energie & Industrie de Bouygues Energies et Services et directrice générale des Spécialités du groupe Equans.

Quelles sont vos premières impressions à la tête de Teréga ?

C. F. - J’ai retrouvé dans le Groupe un peu le même profil que chez TechnicAtome : ce sont deux ETI exposées à des enjeux importants, l’une autour de la transition énergétique, et l’autre autour de la dissuasion nucléaire, et en même temps, à taille humaine. C’est cet équilibre qui me plait beaucoup. Même si j’ai plus de vingt ans d’expérience dans le nucléaire, je pense qu’il ne faut pas opposer les différentes énergies, car elles sont avant tout complémentaires. J’adore être à la tête de Teréga. Depuis mon arrivée en 2024, j’ai eu la chance de pouvoir aller sur le terrain et de prendre le temps de comprendre les métiers du gaz. J’ai découvert une entreprise avec des salariés très engagés, très professionnels, très compétents et très humains. J’aime garder le lien avec le terrain, pas seulement être dans les bureaux. Il y a de vrais échanges libres. C’est à la fois ressourçant et enrichissant.

Le Groupe enregistre, une fois de plus, de très bons résultats en 2024…

C. F. - C’est exact. Dans un contexte global marqué par une transition énergétique accélérée et des tensions géopolitiques persistantes, Teréga a non seulement conforté sa solidité économique, mais a également affirmé sa place d'acteur central de la souveraineté énergétique, tant au niveau national qu'européen. Nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 488 millions d’euros (hors équilibrage congestion) dont un résultat net de 123 millions d’euros. Les investissements ont atteint un montant significatif de 154 millions d’euros, une preuve concrète de la volonté de notre entreprise à préparer activement les infrastructures énergétiques de demain. Cette santé financière sous-jacente est essentielle, car sans elle, l'ampleur des investissements nécessaires pour les nouvelles infrastructures d'hydrogène et de CO2 serait considérablement plus difficile à réaliser. Cette année a marqué un nouveau cap décisif pour Teréga, avec la poursuite de nos actions de performance industrielle et l'entrée dans une phase cruciale de notre plan stratégique Gaïa 2035. La capacité de notre entreprise à maintenir des résultats financiers robustes en 2024 est directement liée à sa capacité à entreprendre la transformation ambitieuse et à forte intensité capitalistique de Gaïa 2035.

En déployant le plan GAÏA 2035, Teréga ambitionne de devenir un hub énergétique régional décarboné dirigé vers les énergies du futur… 

C. F. - C’est tout à fait ça. Dans un monde où l’énergie redessine les équilibres industriels, environnementaux et géopolitiques, nous avons la responsabilité d’agir vite et durablement. Le plan GAÏA 2035 est une réponse forte, structurée et ancrée dans les territoires : il vise à bâtir un système énergétique décarboné, souverain et résilient. Lancé en 2023, ce plan stratégique est désormais dans une phase décisive, incarnant un tournant stratégique majeur et une transformation profonde du modèle économique de Teréga. L'objectif central est de transformer Teréga en un « hub régional 100% décarboné » à l'horizon 2050. Ce hub sera capable de connecter les filières énergétiques territoriales aux grands flux énergétiques européens, créant ainsi des synergies essentielles pour la transition.

Les projets stratégiques sont nombreux… 

C. F. - En 2024, Teréga a franchi des étapes déterminantes dans le développement de ses grands projets, consolidant ainsi son rôle d'acteur clé de la transition énergétique en France et en Europe. Le projet H2med / BarMar va voir la création d’un pipeline sous-marin reliant Barcelone à Marseille. Ce programme majeur, dont Teréga détient une participation de 16,7% a été officiellement reconnu comme Projet d'Intérêt Commun (PIC) européen, ce qui lui confère un statut stratégique et lui permet de bénéficier d'un soutien financier dans le cadre du dispositif Connecting Europe Facility (CEF). Nous avons obtenu 50% de son financement de la part de l’Europe, soit le maximum de ce qu’on pouvait obtenir. D’autre part, l'Appel à Manifestation d'Intérêt, finalisé début 2025, a rencontré un succès retentissant, en rassemblant 168 entreprises et plus 528 projets. Ce qui confirme que ce projet est essentiel pour la mise en place d'une voie hydrogène en Europe, facilitant l'importation, l'exportation et la connexion des marchés de l'hydrogène vert. C’est le début d’une aventure et nous sommes très fiers d’y participer. Ce serait une grande fierté pour moi d’avoir contribué au développement d’une société entièrement décarbonée en 2050. Quelle transition !

La réindustrialisation est également un enjeu majeur pour votre groupe…

C. F. - Effectivement. Le contexte international et national de ces dernières années nous prouve que la réindustrialisation est essentielle. Dans le Grand Sud-Ouest, nous développons HySoW, un réseau hydrogène stratégique de 650 km. Ce réseau est conçu pour relier les principaux pôles industriels régionaux aux ports et à l'Espagne et à BarMar à Marseille car notre territoire sera net excedentaire, et à l’Espagne. Il intégrera 500 GWh de capacités de stockage d'hydrogène d'ici 2030 et dispose d'un potentiel exportateur confirmé, ce qui en fait un atout majeur pour la région. HySoW est destiné à accompagner la réindustrialisation bas carbone des territoires, en fournissant une énergie propre aux industries et en favorisant l'émergence de nouvelles filières. Le projet est actuellement candidat au label "Projets d'intérêt commun" (PIC), avec une décision attendue à l'automne 2025. En fournissant un accès à l'hydrogène propre, nous ne nous contenterons pas de décarboner les processus industriels existants, notre objectif est de permettre la création de nouvelles activités industrielles à faible émission de carbone ou la transformation profonde de celles à forte émission.

Enfin, nous avons un projet pilote à Ambès, près de Bordeaux, qui a pour but de convertir une canalisation de gaz inutilisée en hydrogène. Il nous faut tester les aspects techniques, mais aussi administratifs autour de cette conversion. Dans un second temps, nous espérons pouvoir développer un écosystème sur place, pour utiliser de l’hydrogène produit sur la zone, le transporter et alimenter ensuite une fabrication de e-fuel. C’est une étape importante pour nous.

Quelle est votre approche concernant le CO2 ?

C. F. - Notre projet de transport et de stockage de CO2 dans le Sud-Ouest répond aussi directement à cet objectif de réindustrialisation. À l'horizon 2035, nous visons la captation de 6 Mt/an de dioxyde de carbone. Les quotas de CO2 gratuits diminuant fortement, une vingtaine d’industriels locaux nous poussent à avoir un réseau de transport et de stockage onshore. Ce projet s'appuie sur des atouts uniques : un potentiel de capacité de stockage très important à l’échelon local, estimé à 750 Mt, un gisement de CO2 biogénique, une matière première pour la fabrication de e-fuel (utilisé dans l’aéronautique), quatre à cinq projets d'e-carburants associés, qui iront logiquement chercher le CO2 biogénique le plus proche de chez eux. Il est également reconnu comme PIC européen, soulignant son importance capitale pour la décarbonation à grande échelle des industries difficiles à abattre et pour le développement d'une économie circulaire du carbone via la valorisation du CO2.

Quels sont les défis techniques à relever pour l'intégration de nouveaux types de gaz ?

C. F. - Le biométhane est une filière en pleine expansion, évoluant même au-delà des objectifs des différents textes nationaux. Nous avons franchi un cap symbolique dans ce domaine, avec le raccordement de 11 méthaniseurs à ce jour, pour une capacité installée d’un peu plus de 13 TWh. En 2025, nous avons également mis en service le premier rebours du réseau à Auch, permettant de réinjecter les excédents de gaz renouvelable vers les zones déficitaires, optimisant ainsi la distribution. Ce tournant stratégique majeur est soutenu par un effort d'investissement sans précédent de 1,5 milliard d'euros, alloués entre 2025 et 2035. Ces fonds sont destinés à l'adaptation des réseaux existants et à l'intégration des gaz verts. D'ici 2035, plus de 50% des investissements annuels de Teréga seront spécifiquement dédiés aux "nouveaux gaz" (tels que l'hydrogène et le biométhane) et aux initiatives de décarbonation. Notre ambition est de poursuivre le développement de la filière, en installant de nouveaux postes d’injections sur nos canalisations et des rebours pour renvoyer le biométhane dans le réseau. Avec Teréga Solutions, notre rôle est de faciliter le développement de méthaniseurs de petites et moyennes capacités. Les objectifs au niveau national sont d’atteindre 44 TWh en 2030 de biométhane et entre 160 et 280 TWh en 2050 en fonction des scénarios.

Et du côté de l’hydrogène ?

C. F. - Le marché est encore naissant. Donc, ça prend un peu de temps. C’est l’histoire de la poule et de l’œuf : les consommateurs ont besoin de producteurs, les producteurs ont besoin d’avoir un marché sécurisé de l’offre et de la demande et les deux ont besoin d’infrastructures. Le tout, c’est qu’on avance ensemble. On a besoin de visibilité pour investir et démarrer ce genre de projets. Pour nous, un projet d’infrastructure prend entre 5 et 10 ans, de l’idée à la mise en service, nous n’avons pas la même temporalité que les autres acteurs de la boucle.

Teréga possède un fort ancrage territorial. C’est une force pour la transition écologique ?

C. F. - Je suis convaincue que la réussite de cette transition passera par notre capacité à mobiliser l’intelligence collective, à innover au plus près du terrain et à rester fidèles à notre vocation de service public au bénéfice de l’intérêt général. Nous essayons de les impliquer dès que possible dans nos projets. Notre rôle est d’établir et maintenir un lien fort, pour les informer des avancées. Car, ils auront d’une manière ou d’une autre un rôle à jouer dans l’acceptabilité de certains projets, comme le stockage onshore de CO2 par exemple. C’est un travail au quotidien, mais qui est plaisant.

Il est très important pour votre groupe d'être attractif aux yeux des jeunes talents…

C. F. - C’est certain. Bien entendu, la situation géographique et la qualité de vie du Béarn jouent un rôle important dans l’installation des talents. Mais, notre entreprise cultive également ses propres atouts. Nous avons développé une importante démarche RSE, qui est un critère essentiel pour les nouvelles générations. Teréga s'est fixé des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre : -54% sur les scopes 1 et 2 d'ici 2030 (par rapport à 2017), et -34% sur les scopes 1-2-3 d'ici 2030 (par rapport à 2021). Un autre principal atout de Teréga est que l’entreprise a su garder une dimension humaine, tout en cultivant des ambitions nationales voir européennes.

Avez-vous un message pour les collaborateurs et partenaires de Teréga ?

C. F. - Je suis très fière d’être aux manettes de cette belle ETI. J’aborde cette nouvelle page de l’histoire de Teréga avec enthousiasme et détermination. Je compte sur eux, comme ils peuvent compter sur moi pour mener à bien cette nouvelle étape. Dominique Mockly a fait en sorte que Teréga devienne un acteur important de la transition énergétique. Aujourd’hui, nous sommes sur les bons rails, le cap est donné, mon rôle, c’est de délivrer.

Propos recueillis par Noémie Besnard

Que pensent les Français de l’hydrogène et du CO2 ?

Chaque année, Teréga réalise un sondage de la population sur la thématique de l’hydrogène. Pour sa nouvelle édition, ce Baromètre innove, en incluant également des questions sur la décarbonation et le CO2.

Les Français sont plutôt optimistes quant à l'hydrogène ! 80% d'entre eux le connaissent et la moitié en a une bonne opinion, le voyant comme une énergie propre et locale. Ils souhaitent surtout qu'il soit utilisé dans l'industrie, le considérant comme un atout pour notre indépendance énergétique et la réduction du carbone.

Malgré cette confiance, il y a un hic : les projets concrets liés à l'hydrogène manquent de visibilité. Le public a du mal à imaginer comment l'hydrogène s'intégrera dans le quotidien. C'est là que des acteurs comme Teréga interviennent, en mettant en avant des projets clés comme HySoW ou BarMar. Leur objectif est clair : passer de la théorie à des réalisations tangibles pour montrer l'utilité réelle de l'hydrogène.

Aux yeux des Français, la priorité pour réduire nos émissions de carbone est nette : il faut agir sur la production industrielle (65%) et le transport de marchandises (52%). Ils attendent des solutions massives et visibles, qui peuvent être mises en œuvre rapidement.

Si le CO2 reste majoritairement synonyme de pollution, les mentalités évoluent. Entre 58% et 73% des Français jugent efficaces les technologies de capture et de stockage du CO2. Mieux encore, plus de 45% croient en l'utilisation future du CO2 dans l'industrie ou l'agriculture.

Cela montre que le CO2 commence à être perçu comme une ressource potentielle, et non plus seulement comme un problème. Des initiatives, comme celle de Teréga, qui explorent le captage, le stockage et la valorisation du CO2 (notamment pour des e-carburants), s'inscrivent dans cette "circularité carbone" qui pourrait bien être la clé pour décarboner nos industries.

Enfin, même si l'environnement est important, le baromètre souligne que 86% des Français voient la sobriété énergétique avant tout comme une question de budget. Les contraintes économiques restent un facteur majeur dans leurs décisions et perceptions.

DR- Teréga

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