Passionné par le numérique en général et l'intellignece artificielle en particulier, Alexandre Stojanovic a cofondé avec Emmanuel Briquet la start-up BS Digital. Installée au sein de la technopole paloise Hélioparc, l’entreprise est spécialisée dans le développement d’outils intelligents à destination des entreprises, via l’intelligence artificielle.
Nommé à la tête de la French Tech Béarn le 29 mai 2024, son riche parcours entrepreneurial et sa connaissance approfondie du secteur numérique constituent des atouts majeurs pour stimuler l'innovation et attirer les investissements dans la région et positionner le Béarn comme un acteur incontournable de la scène technologique française.
L’entrepreneur, installé à Pau depuis plus de deux décennies se confie sur son parcours, sa passion pour l’informatique et l'évolution de l’intelligence artificielle dans les années à venir...
Quel est votre parcours ?
Alexandre Stojanovic- J’ai un Bac + 4 en informatique et intelligence artificielle. J’ai travaillé pour différentes entreprises dans ce domaine : en tant que chef de projet chez Conix ; et en tant que responsable d’activité des infrastructures du site de Pau, puis du Sud-Ouest pour Exakis. L’envie de retrouver du contact avec les entrepreneurs et les plus petites structures, leurs apporter mon expertise et quelque chose de concret et d’être indépendant m’ont conduit à co-fonder BS Digital avec Emmanuel Briquet en 2017. J’avais un parcours plus informatique et lui venait de l’industrie. Nous aimons tous les deux les défis technologiques. Notre objectif était d’accompagner l’indépendance et la souveraineté numérique en France depuis le Béarn.
D’où vous vient cette passion pour l’informatique et l’entrepreneuriat ?
A. S.- Mes parents étaient tous les deux des entrepreneurs. Ils m’ont transmis des valeurs fortes : savoir porter des projets, le leadership... J’aime la liberté qu’offre l’entrepreneuriat et être multitâches. Le salariat, ce n’est pas pour moi. Durant mon enfance, je vivais à proximité de la Cité des Sciences. Je passais mes week-ends dans le troisième sous-sol, où il y avait des jeux ouverts. Je fais partie de cette génération des années 1980-1990, qui ont grandi avec internet en achetant des jeux vidéo à coder soi-même. Gamin je voulais d’ailleurs en faire mon métier.
Vous avez développé un Assistant Métier Intelligent, pouvez-vous nous en dire plus ?
A. S.- BS Digital est né d’une prise de conscience au cours d’une rencontre avec plusieurs comptables. La saisie de facture représente environ 90% de leur activité, c’est une tâche fastidieuse qui impacte également leur clientèle. Cela faisait plus de 20 ans que les professionnels cherchaient une solution efficace pour faciliter la saisie de données.
Au départ, personne ne voulait entendre parler de l’intelligence artificielle. Nous sommes partis d’une feuille blanche, pour arriver à AMI Compta, en nous développant petit à petit, avant de connaitre une forte croissance à partir de 2020. Avec ce nouvel outil, notre ambition est d’accompagner les comptables dans leur transition numérique, en confiant à AMI Compta l’automatisation des tâches chronophages et rébarbatives sans valeur ajoutée. Comme à son habitude, le comptable enregistre les factures numérisées dans son logiciel.
AMI Compta créé ensuite automatiquement et sans intervention de la part des professionnels, les écritures comptables. C’est un outil 100% autonome qui leur facilite véritablement la vie. Le succès de notre solution se confirme aujourd’hui : nous sommes passés de 17.000 factures traitées en septembre 2020 à 330.000 pour les grosses journées. Aujourd’hui, plus de 800 cabinets utilisent AMI Compta, environ 2.000 entreprises clientes et 45 collaborateurs.
L’intelligence artificielle connait un essor fulgurant, à quelles difficultés êtes-vous confrontés ?
A. S. - Notre plus gros problème a été de recruter pour suivre la demande. Nous voulons rester à Pau, donc dans les premières années, il a fallu recruter des talents de toute la France. Heureusement, des écoles et organismes de formations se sont adaptés dans les environs et proposent désormais des parcours liés à l’intelligence artificielle et au numérique. Aujourd’hui, environ 65% de nos effectifs proviennent de ces écoles. À l’avenir, notre ambition est d’aller plus loin dans la chaîne de valeur, en développant de nouvelles solutions. Par exemple, les comptables passent entre 15 et 25% de leur temps de travail à réviser des dossiers et dans l’analyse intelligente. Il y a encore des pistes à creuser.
Quelle vision avez-vous de cette nouvelle technologie ?
A. S. - Dans les années 2010, l’intelligence artificielle commençait à faire parler d’elle en France. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est en pleine évolution, mais elle doit faire face à deux défis importants. Tout d’abord, nous avons en France un gros problème d’acceptabilité dans ce domaine. Encore trop d’entreprise ou salariés voient l’IA comme un remplaçant, et non un assistant. Mais c’est un faux sujet selon moi. L’intelligence artificielle n’est qu’un nom marketing donné à la rencontre entre l’informatique évolué et les mathématiques. Même si ça donne des résultats bluffants, au fond, ce n'est qu’une machine. Il n’y a rien de magique, c’est uniquement technologique.
Le deuxième défi qu’elle doit relever dépend justement de cette acceptabilité. Par rapport à des pays comme la Chine ou les États-Unis, la France est en retard par rapport aux investissements et l’innovation dans le numérique. Les principaux concurrents de BS Digital sont étrangers.
La révolution du numérique ne fait que commencer, nous pouvons être innovants et créer une filière dédiée depuis Pau. Je veux que le Béarn ne passe pas à côté de cette transition. L’innovation a toujours existé, elle est utile et bénéfique. L’industrie et les entreprises locales ne prennent pas en compte l’IA et son impact dans leur activité.
Pourtant, dans les années à venir, seules les sociétés qui ont opéré cette transition seront encore compétitives. On en voit déjà les effets : en Europe, l’Allemagne est le pays le plus riche. Elle tire sa puissance de son exportation automobile. La seule différence entre son industrie et la nôtre, c’est qu’elle a un plus important taux de robotisation. Avec les nouvelles technologies, un nouveau monde est en cours de création. Cela ne veut pas dire que l’ancien monde va disparaître, mais les entreprises qui refusent ce changement ne pourront pas rivaliser avec celles qui l’ont accepté. Si ce n’est pas nous, d’autres acteurs viendront prendre la place. Ça a été le cas de Kodak et Nokia, qui n’ont pas su voir le potentiel des argentiques et des smartphones. Chaque technologie rebat les cartes, en tant que chef d’entreprise, il faut savoir être disruptif.
Comment êtes-vous entré dans le réseau French Tech Pau Béarn ?
A. S. - On peut dire que l’innovation et la technologie font partie de mon ADN. J’étais l’un des premiers signataires de la pétition en faveur de la création d’une antenne locale. Je suis adhérant depuis sa création et je me suis dit : « pourquoi ne pas apporter ma vision et mon expérience dans le numérique à la présidence ? ».
Comment comptez-vous renforcer l’écosystème de la French Tech Pau Béarn ?
A. S. - Le réseau se positionne en catalyseur essentiel, en œuvrant à la fois pour unir les startups et les PME innovantes du territoire, accroître leur visibilité auprès des acteurs clés, et attirer les talents et les investissements nécessaires à leur croissance. L'objectif est de tisser des liens entre les acteurs de l’innovation, les grands groupes, les institutionnels et les organismes de formation. Nous allons faire de plus en plus la promotion de l’innovation et de l’image de l’entrepreneur innovant et soutenir l'émergence des porteurs de projets, afin de créer un écosystème entrepreneurial local puissant. La French Tech organise de nombreuses manifestations pour répondre à cet enjeu, à l’instar de Meet Your Start-up, qui s’est déroulée le 17 avril dernier. Cela passe par des rencontres, des conférences, des démonstrations… L’idée est de faire intervenir des experts et des partenaires pour faciliter la prise de conscience de l’impact qu’aura le numérique dans le monde du travail.
Quels sont, selon vous, les atouts du Béarn en ce qui concerne la révolution numérique ?
A. S. - J’en vois principalement trois : nous avons des écoles performantes, un bassin d’expert disponible localement et un énorme champs de possibilité, en pouvant travailler sur des sujets encore peu abordés, tels que l’agriculture, la nature et le sport. De plus, il n’y a pas de concurrence en Béarn dans ce secteur, c’est un véritable El Dorado pour les acteurs de la Tech.
Propos recueillis par Noémie Besnard
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