Abonnez-vous
Publié le Mis à jour le
Créateurs et Passionnés

Jean-Claude Knaëbel et les Petits As

Très bon bilan pour la 37ème édition du « grand chelem » tarbais des 12-14 ans. On en discute avec son cofondateur, mémoire de ce tournoi de tennis pas comme les autres...
KNAEBEL PETITS AS
Cet événement tennistique incontournable, qui a vu grandir Chang, Hingis et Nadal, vient d’accoucher d’une superbe finale garçons et a confirmé l’émergence d’une future patronne du circuit féminin.

Jean-Claude Knaëbel nous livre ses impressions sur ce cru 2019. Et fait le point sur l’évolution du tournoi.

Maintenant que les Petits As 2019 ont livré leur verdict, quel bilan tennistique faites-vous de cette édition ?

Jean-Claude Knaëbel - Nous avons vécu une très belle édition. La finale masculine a été magnifique, avec un match à suspense et une belle opposition entre un défenseur hors pair, le jeune qatari Rashed Nawaf, et un tchèque au style offensif, Vojtech Petr, qui l’a emporté 4-6, 6-4, 7-6 après avoir été mené 5-3 dans la dernière manche. Le match était passionnant à suivre et de très bonne qualité. Il y a eu moins d’incertitude chez les filles, avec une finale à sens unique remportée 6-1, 6-0 par Linda Fruhvirtova.

Une jeune joueuse qui semble promise à un bel avenir…

J-C.K. - On la verra sûrement briller sur le circuit féminin dans 3 ou 4 ans, et peut-être avant au tournoi juniors de Roland-Garros. Et sa sœur cadette, qui était également dans le tableau, est bien partie pour suivre le même chemin. À seulement 11 ans, elle a déjà passé plusieurs tours. Elle pourra encore revenir deux fois aux Petits As. Les deux sœurs ont aussi gagné le double ensemble... Sur cette édition, on attendait beaucoup les jeunes Belges, qui chez les garçons comme chez les filles avaient les meilleures têtes de série, mais on aura finalement eu droit à un beau tir groupé des Tchèques…

Que peut-on dire de la fréquentation cette année ?

J-C.K. - Il est toujours difficile de donner des chiffres fiables, mais d’après un comptage réalisé par plusieurs bénévoles postés à l’entrée du parc des expositions, nous avons accueilli environ 32.000 personnes sur 11 jours de compétition. C’est un excellent score compte tenu de la météo, qui a été plutôt fraîche cette année. Il y avait déjà du monde pour les qualifications, le premier week-end. Les groupes scolaires ont été nombreux le mercredi, et le parc était plein pendant les trois derniers jours. La finale garçons s’est jouée devant 3.000 personnes. Il faut d’ailleurs saluer la performance de tous ces jeunes joueurs, qui ne sont pas forcément habitués à évoluer devant autant de public, lors d’un événement populaire gratuit, mais avec une organisation et un environnement qui se rapprochent de ceux des tournois professionnels. Les spectateurs applaudissent sur les jolis points, les joueurs signent des autographes, etc.

On pourrait presque parler du principal événement tennistique de la région.

J-C.K. - Et d’autant plus que pour des raisons diverses, financières ou liées au calendrier, il n’y a plus de tournoi ATP ou WTA dans la région. On se souvient de celui de Bayonne, chez les dames, qui n’avait duré que 4 ans (de 1989 à 1992). Pour des tournois professionnels de première catégorie, il faut aujourd’hui se rendre à Montpellier, Marseille ou Lyon (qui hébergent des tournois ATP 250).

Comment pourrait-on qualifier ce public des Petits As ? Est-ce qu’on vient de loin pour assister aux matchs ?

J-C.K. - La base du public est constituée des écoles de tennis des ligues d’Occitanie et de Nouvelle Aquitaine. L’événement attire ainsi d’abord dans un rayon de 200 à 300 km. Mais nous accueillons aussi des personnalités, des gens de la fédération. Cette année, nous avons reçu 14 membres du comité directeur du Tennis Europe Junior Tour, qui établit notamment un classement des jeunes joueurs du continent, sur lequel nous nous basons pour nos tableaux finaux (Tennis Europe est venu présenter un programme d’éducation des jeunes athlètes, NDLR). Car nous parlons de joueurs qui comme leurs aînés, s’entraînent beaucoup, disputent des tournois toute l’année et sont classés comme les pros.

Vous ne faites plus venir de joueurs professionnels pour des matchs exhibition ?

J-C.K. - Malheureusement non. Le monde de l’argent a investi celui du tennis et il est plus délicat de faire venir des joueurs. La dernière fois, c’était pour fêter nos 30 ans, avec un « remake » de la fameuse demi-finale des Petits As de 1986, entre Chang et Santoro.

On sent que vous êtes attaché à ce souvenir de la victoire de Chang à Tarbes…

J-C.K. - Il a fortement aidé à l’accroissement de la notoriété du tournoi. Nous l’avions vu jouer en Floride, à l’Orange Bowl (autre célèbre tournoi de jeunes, toutes catégories, des benjamins jusqu’aux juniors, de 10 à 18 ans, NDLR). Il était accompagné de sa mère et nous leur avions proposé de venir en Europe pour participer aux Petits As. Ils avaient accepté, indépendamment de toute prescription de la fédération américaine. Et puis en 1989, trois ans après sa victoire aux Petits As, il remporte Roland-Garros. Nous étions alors dans sa loge, mon beau-frère, ma femme et moi, et tout le monde s’était alors demandé qui étaient ces gens qui accompagnaient la famille du vainqueur. Nous étions les seules personnes que connaissaient les Chang en France… Évidemment, cette incroyable victoire à Roland-Garros a mis en lumière le tournoi des Petits As. Et Chang reste à ce jour le plus jeune vainqueur de Roland-Garros…

Et ensuite, il y a eu Martina Hingis, le même genre de phénomène, d’une grande précocité.

J-C.K. - Elle était coachée par sa maman. Elle a gagné les Petits As deux fois (1991 et 1992)… à 10 ans et demi et 11 ans et demi, en battant à chaque fois des joueuses de deux ou trois ans plus âgées. Et a ensuite fait la grande carrière que l’on sait…

Une carrière que tous les vainqueurs aux Petits As ne font pas… mais que peuvent faire certains qui n’y ont pas brillé.

J-C.K. - Il est vrai que tous ne parviennent pas à confirmer. Si l’on regarde le palmarès, on n’a plus entendu parler d’un certain nombre de vainqueurs après leur passage ici. Certains ont arrêté, d’autres plafonné. Il reste une assez grande part d’aléatoire dans les destinées de ces jeunes joueurs. Mais si on regarde les classements mondiaux établis avant les deux derniers tournois du grand chelem (US Open, en août dernier, et Open d’Australie, pendant les Petits As en janvier), on voit que 7 des 8 meilleurs joueurs du monde sont passés par Tarbes, ainsi que 6 des 8 meilleures joueuses. Et ils y ont d’ailleurs plus ou moins brillé. Cela signifie surtout que les Petits As sont devenus un passage obligé pour les joueurs qui veulent se confronter aux meilleurs, dans cette catégorie des 12-14 ans.

On est obligé de vous faire dire quelques mots des légendes vivantes du circuit actuel. On imagine que vous êtes plutôt Nadal que Federer ?

J-C.K. - Il est vrai que Nadal est un peu notre chouchou. Il était venu deux fois, en 1999 et en 2000. En 1999, il avait perdu contre Gasquet. On connaît la fameuse anecdote : en 17 rencontres sur le circuit principal, Gasquet n’a ensuite plus jamais battu Nadal (il ne l’avait plus battu qu’une fois, en 2003, mais par abandon, au challenger… de Saint-Jean-de-Luz, un ancien tournoi du circuit secondaire, NDLR). Et puis Nadal a remporté les Petits As l’année suivante, en 2000. C’était un jeune joueur très bien élevé, pas du tout du genre chahuteur. Et il avait déjà ce goût de la compétition. Nous avons ensuite conservé des liens très étroits, et avons réussi à le faire venir en 2006 pour jouer un match contre Santoro, alors qu’il avait gagné son premier Roland-Garros l’année précédente. C’était un très joli coup pour nous ! Pour Federer, qui avait perdu chez nous en huitièmes de finale, ce n’était certes pas encore le joueur adulte et très sérieux que l’on connaît aujourd’hui, à la vie millimétrée. Il était dissipé et s’énervait beaucoup. Djokovic est aussi venu à Tarbes. Il a perdu en quarts de finale. De beaux exemples qui montrent qu’on peut aller très loin sans s’être imposé aux Petits As. Ce qui consolera tous ceux qui viennent de perdre ici…

Un mot sur Djokovic, qui vient justement de gagner à Melbourne et domine aujourd’hui le circuit masculin ? Il aimait déjà faire des blagues ?

J-C.K. - C’était un garçon certes souriant et sympathique, mais au caractère déjà bien affirmé !

Quels seraient les autres joueurs dont le souvenir vous a marqué ?

J-C.K. - On parle un peu moins d’un autre garçon exceptionnel, Juan Carlos Ferrero, qui était venu en 1994 avec la délégation espagnole. Il avait alors passé les 3 tours de qualifications et remporté le tournoi à l’arrivée, ce que personne n’a refait depuis. Il a ensuite fait une belle carrière et remporté une fois Roland-Garros. Chez les filles, Kim Clijsters avait aussi remporté les Petits As, et nous avons gardé beaucoup d’affection pour Justine Hénin, que sa maman, malade, était venue voir jouer, malheureusement pour la dernière fois (en 1995). Et puis nous avons eu des joueuses avec des trajectoires originales, comme Anna Kournikova, qui avait gagné les Petits As mais pas vraiment fait la carrière prometteuse qu’on lui annonçait, puis qui s’était tournée vers le show business.

Revenons un peu à aujourd’hui. Nous avons un jeune Français, Antoine Ghibaudo, qui s’est plutôt bien débrouillé cette année…

J-C.K. - C’est vrai qu’il y a un moment qu’un Français ne s’était pas glissé en demi-finales des Petits As. Celui-ci vient des Yvelines. Il a été un peu mystifié par le jeu de défense du Qatari (défaite 6-3, 6-0), mais il a un avenir tennistique certain. C’est un garçon très sérieux, bien encadré, peut-être encore un peu frêle sur ses jambes mais qui va continuer de travailler. Il faut savoir que dès cet âge, les joueurs font 3 heures de tennis et une heure d’entretien physique chaque jour. Leur scolarité est déjà aménagée. La dernière fois qu’un Français était allé aussi loin aux Petits As, ce devait être il y a 5 ans, lorsque Rayane Roumane avait gagné le tournoi.

Un mot sur l’internationalisation des Petits As et vos pré-qualifications américaines et asiatiques ?

J-C.K. - Il y a deux ans, nous avons mené une réflexion et abouti à la conclusion que le tournoi était en France le numéro 1 dans sa catégorie, mais qu’il fallait encore en développer le rayonnement sur les autres continents. Pour améliorer notre notoriété, nous avons donc signé un partenariat avec Top Five Management, société à laquelle nous prêtons notre nom pour qu’elle organise et développe, avec notre partenaire Lacoste, des playoffs aux États-Unis, avec 36 jeunes joueurs et 36 jeunes joueuses. Il y a deux ans, ces pré-qualifications avaient eu lieu en Floride. En octobre dernier, elles se sont déroulées dans le New Jersey. En 2018, nous avons étendu l’opération à la zone Asie, avec de premières qualifications au Club Med de Bali. Nous renouvellerons aussi ces playoffs asiatiques en 2019, on ne sait pas encore où, peut-être en Indonésie, en Chine ou au Japon. Ces systèmes de pré-qualifications sont très bons pour notre notoriété à l’international. Aux États-Unis, nous avons pu bénéficier du fait d’avoir eu de nombreux vainqueurs américains comme Chang pour associer la fédération locale à ce projet. Nous avons aussi profité du fait d’opérer sous la marque Lacoste, qui est bien reconnue sur place. Notre vainqueur de l’année dernière, Victor Lilov, était passé par ces playoffs. Et l’internationalisation du tournoi se renforce naturellement : en 2018, chez les filles, une joueuse des Philippines (Alexandra Eala) l’avait emporté après une superbe finale. Depuis, la FFT l’a invitée à venir disputer les qualifications du tournoi junior de Roland-Garros. En 2015, un taïwanais, Tseng Chun-hsin s’était aussi imposé à Tarbes. L’an dernier, il a ensuite remporté les tournois juniors de Roland-Garros et Wimbledon.

Avec le tournoi, vous avez quand même eu le temps de jeter un œil aux matchs de l’Open d’Australie ?

J-C.K. - J’ai bien sûr suivi tous les matins nos anciens petits as en Australie. Avec Eurosport, qui était notre partenaire média, nous proposions d’ailleurs les retransmissions des matchs au village du tournoi, sur un grand écran. La chaîne, cette année, a aussi diffusé 26 minutes des meilleurs moments de nos finales filles et garçons.

Un petit pronostic sur les prochains vainqueurs en grand chelem passés par les Petits As ?

J-C.K. - Novak Djokovic et Rafael Nadal, bien sûr, mais je dirais aussi Alexander Zverev et Dominic Thiem.

Le tennis a bien changé : qui était votre idole, au début des années 80. Borg ? Connors ? McEnroe ?

J-C.K. - Pour moi, c’était plutôt Björn Borg…

Une dernière question : vous tapez encore dans la balle ?

J-C.K. - Hélas non, mes pauvres jambes ont été traumatisées par les courts en dur !

Plus d’informations sur le site internet – cliquez ici

Photos : Petits As - C. Jarno

Commentaires


Réagissez à cet article

Vous devez être connecté(e) pour poster un commentaire

À lire aussi