Tous les ans, l’observatoire socio-économique Gaindegia décortique les données économique basque avec précision. Sa dernière publication, rendue publique le 16 décembre, offre une radiographie détaillée des entreprises, province par province. Un travail de fond qui permet de mesurer l'évolution de l’économie basque, d’identifier ses forces, mais aussi ses zones de tension.
À l’échelle du Pays basque dans son ensemble, 282 653 entreprises étaient recensées en 2023. Un chiffre qui masque toutefois de fortes disparités territoriales. Si la Biscaye domine largement en volume, suivie du Guipuzcoa et de la Navarre, le Pays basque Nord, et en particulier le Labourd, s’affirme comme un espace à forte densité entrepreneuriale, où la création d’activité progresse à un rythme soutenu.
Une décennie de croissance presque continue
Entre 2014 et 2023, le nombre d’entreprises du Pays basque Nord est passé de 24 836 à 38 551. En moins de dix ans, le tissu économique local s’est ainsi étoffé de près de 55 %, une progression qui témoigne d’une attractivité durable. Cette dynamique n’est toutefois pas uniforme.
La province du Labourd concentre l’essentiel de cette croissance. Avec plus de 34 500 entreprises en 2023, elle pèse à elle seule la majorité du paysage entrepreneurial du Pays basque Nord. La Basse-Navarre suit une trajectoire plus modérée, avec une hausse sensible jusqu’en 2022, avant un léger tassement l’année suivante. En Soule, la courbe est plus plate, marquée par une relative stabilité et de faibles variations d’une année sur l’autre.
Ces différences dessinent un territoire à plusieurs vitesses, où les zones les plus urbanisées et connectées aux grands flux économiques captent davantage de projets et d’initiatives.
Rapporté à la population, le Pays basque Nord affiche des ratios particulièrement élevés. Le Labourd se distingue nettement avec un taux d’entreprises pour 1 000 habitants parmi les plus élevés de l’ensemble du Pays basque. Une densité qui le place loin devant les provinces du Sud, y compris les territoires historiquement industriels comme la Biscaye ou le Guipuzcoa.
La Basse-Navarre se situe également au-dessus de la moyenne basque, tandis que la Soule présente des niveaux comparables à ceux de l’Alava. Ces chiffres traduisent un tissu entrepreneurial dense, mais composé majoritairement de petites structures, souvent ancrées dans des logiques locales.
Une économie de plus en plus tertiaire
Derrière la croissance globale, Gaindegia met en évidence une transformation profonde de la structure économique du Pays basque Nord. Les activités spécialisées, scientifiques et techniques enregistrent la plus forte progression sur la période étudiée. Leur nombre a plus que doublé en moins de dix ans, confirmant l’essor des services qualifiés et des métiers à forte valeur ajoutée.
L’administration publique, l’enseignement, la santé et l’action sociale suivent une trajectoire similaire, renforçant le poids des activités de services dans l’économie locale. Les secteurs financiers et assurantiels, tout comme la communication et l’information, affichent eux aussi une croissance rapide, signe d’une diversification progressive du tissu économique.
À l’inverse, les secteurs traditionnels que sont le commerce, les transports, l’hébergement et la restauration évoluent plus lentement. Leur poids reste important, notamment dans les zones touristiques du littoral, mais leur part relative tend à diminuer, en particulier au Labourd.
Entre 2018 et 2023, le poids des activités spécialisées et des services administratifs a nettement progressé dans l’ensemble du Pays basque Nord. Le Labourd affiche la hausse la plus marquée, confirmant son rôle de pôle économique structurant. Mais la Basse-Navarre et la Soule ne sont pas en reste. Proportionnellement, ces territoires connaissent eux aussi une montée en puissance de ces activités, signe que l’économie de services gagne du terrain jusque dans les zones plus rurales.
Cette évolution contraste avec la relative stabilité observée dans les provinces du Pays basque Sud, où la part de ces secteurs progresse peu. À l’échelle basque, le Pays basque Nord se distingue donc par un dynamisme particulier dans les services économiques avancés.
Commerce et tourisme : un pilier qui marque le pas
Le secteur du commerce, des transports, de l’hébergement et de la restauration demeure l’un des socles de l’économie du Pays basque Nord. Il reste étroitement lié aux flux touristiques et aux échanges transfrontaliers. Toutefois, les données de Gaindegia montrent un recul progressif de son poids global depuis 2018.
Cette tendance est particulièrement visible au Labourd, où la part de ce secteur diminue au profit d’activités plus spécialisées. En Basse-Navarre et en Soule, la situation est plus contrastée, avec une relative stabilité, voire une légère reprise récente. À l’échelle du Pays basque Sud, ces activités traditionnelles conservent un poids beaucoup plus important, notamment en Biscaye et au Guipuzcoa.
Autre enseignement majeur de l’étude : la structure des entreprises du Pays basque Nord reste largement dominée par les petites unités. Près de deux tiers des entreprises comptent entre un et cinq salariés, un chiffre supérieur à la moyenne basque. Les très petites entreprises constituent l’ossature de l’économie locale, en particulier en Basse-Navarre et en Soule.
Les entreprises de taille intermédiaire et les grandes structures sont plus rares, même si leur présence reste significative dans certains secteurs et territoires. Cette configuration souligne à la fois la vitalité entrepreneuriale du Pays basque Nord et sa dépendance à des modèles économiques souvent fragiles, sensibles aux aléas conjoncturels.
Des emplois concentrés dans les structures moyennes et grandes
Si les petites entreprises sont les plus nombreuses, elles ne concentrent pas la majorité des emplois. En 2023, une part importante des salariés du Pays basque Nord travaille dans des entreprises de taille moyenne, voire dans de grandes structures. Le Labourd, en particulier, se distingue par la présence d’entreprises de grande taille, tandis que la Basse-Navarre et la Soule restent marquées par un tissu essentiellement composé de petites unités, sans grandes entreprises implantées localement.
Cette dualité souligne un paradoxe bien connu : une économie largement composée de petites entreprises, mais dont l’emploi dépend en partie de structures plus importantes, souvent concentrées sur le littoral.
À travers cette photographie détaillée, Gaindegia met en lumière une économie basque en mouvement. Au Pays basque Nord, la croissance est réelle, portée par le dynamisme entrepreneurial et l’essor des services qualifiés. Mais les écarts territoriaux, la prédominance des petites structures et le ralentissement de certains secteurs traditionnels posent aussi des questions de résilience et d’équilibre à long terme.
Dans un contexte économique incertain, ces données offrent aux acteurs publics et privés des repères précieux pour ajuster les politiques de développement, soutenir l’innovation et accompagner les territoires moins dynamiques. Car si le Pays basque Nord affiche de bons résultats, l’enjeu reste de transformer cette croissance quantitative en un développement durable, capable de résister aux cycles économiques et de profiter à l’ensemble du territoire.
Sébastien Soumagnas
Réagissez à cet article
Vous devez être connecté(e) pour poster un commentaire